L'histoire du roi Lear est bien sûr très politique, car il y a la question de la quête du pouvoir, de la succession, de la concurrence entre les héritières du trône [le Roi Lear, voulant céder son trône et partager son royaume entre ses filles, déclare qu'il en cèdera la plus grande part à celle qui saura lui déclarer qu'elle l'aime le plus]. Mais j'ai voulu n'en garder que la dimension morale et en faire une fable pour les enfants sur l'importance de la sincérité, de l'honnêteté et de ne pas mentir par intérêt ou convoitise.
"Le début n'a évidemment pas été simple. Il s'agit d'enfants qui n'ont pas été à l'école depuis 3 ans"
Le début n'a évidemment pas été simple. Il s'agit d'enfants qui n'ont pas été à l'école depuis 3 ans, ce qui implique des problèmes de discipline pour eux mais aussi de lecture et de compréhension. Tous les enfants qui s'étaient présentés ne savaient pas forcément lire correctement, au point d'apprendre un rôle par cœur. Cela a été un critère déterminant notamment pour la distribution des rôles.
Il a fallu plusieurs semaines pour qu'ils sortent de leur condition de réfugiés. Eux qui passaient jusque-là leurs journées à errer dans le camp ou à faire des bêtises, il a fallu du temps pour qu'ils retrouvent leur innocence et leur spontanéité d'enfants. Cela était indispensable pour les faire ensuite entrer dans le monde du théâtre. Il fallait qu'ils soient eux-mêmes pour qu'ils puissent jouer un rôle.
"Beaucoup d'enfants ont pleuré devant les applaudissements et l'enthousiasme des parents"
En plus d'apprendre à jouer la comédie, il était important également que cette expérience soit également une source de développement personnel pour eux. Beaucoup avaient proposé de confectionner leurs propres costumes ou accessoires, comme les couronnes ou les épées, et je les ai laissés faire. Je voulais qu'ils sachent qu'à partir du moment où ils voulaient vraiment réaliser quelque chose, cette chose devenait possible.
La présentation de la pièce a été un moment très émouvant. Beaucoup d'enfants ont pleuré devant les applaudissements et l'enthousiasme des parents. Ils avaient besoin de cette reconnaissance de la part des adultes, qu'on leur dise qu'on était fiers d'eux. Quant aux parents, ils étaient heureux de les voir redevenir des enfants normaux et s'épanouir malgré le contexte difficile. Ils m'ont demandé de continuer l'expérience et je compte bien le faire. Molière sera le prochain auteur à entrer à Zaatari.